27/01/2023
À moins d'en être conscients, nous sommes vite rattrapés par nos propres stéréotypes.
Un produit peut être pratique pour nous, mais l'est-il pour les autres ? Les fonctions « pratiques » des produits Sony les rendent-elles accessibles à un plus grand nombre de personnes ?
Pour inciter ses employés à garder en tête ces points de vue et ces questions lorsqu'ils développent des produits et des services, Sony organise régulièrement des ateliers de design inclusif pour ses employés.
Ici, nous suivons deux nouveaux employés de Sony le temps d'une journée, en compagnie d'un utilisateur pilote malvoyant.
Hironori Sato, batteur professionnel malvoyant, et les nouveaux employés de Sony, Rin Ito et Rikushi Sabu, se joignent à nous pour cette interview. Rin a travaillé avec Hironori dans le cadre de l'atelier, tandis que Rikushi a travaillé avec Maito Wakui, qui se déplace en fauteuil roulant.
Dans le cadre des ateliers, les participants se font appeler par des surnoms : M. Sato est appelé « Sato », Mme Ito « Rin » et M. Sabu « Sabu ». (Ces surnoms sont utilisés ci-dessous.)
Après avoir présenté l'atelier dans la première partie, nous nous intéressons dans cette deuxième partie aux impressions de ces trois participants.
ー Sato, rappelez-nous ce qu'est un « utilisateur pilote » dans ce contexte.
[Sato]
Pour faire simple, les utilisateurs pilotes sont ceux qui font l'expérience de certaines choses avant tout le monde. En vieillissant, nous finissons tous par être confrontés à des limitations physiques, comme des difficultés à voir ou à marcher, mais certains d'entre nous vivent déjà avec ces contraintes, depuis la naissance ou à un moment donné de notre vie.
Les personnes handicapées ont parfois une très bonne connaissance des problèmes liés à la vieillesse. Les personnes âgées elles-mêmes, ou les personnes souffrant d'un handicap qui agissent en tant que facilitateurs lors des ateliers de design inclusif, sont appelées « lead users » (utilisateurs pilotes) parce qu'elles contribuent à tracer la voie à suivre pour l'avenir.
ー Certains d'entre vous ont-ils hésité à participer à l'atelier ?
[Sabu]
Au contraire, j'avais hâte. Ce qui m'a motivé à participer et à découvrir le point de vue des personnes handicapées, c'est le fait que mon département au sein de Sony promeuve une conception centrée sur l'humain dans toute l'entreprise, c'est-à-dire des processus de conception qui nous aident à offrir des expériences supérieures en gardant toujours à l'esprit le point de vue des clients.
[Rin]
En ce qui me concerne, j'ai quelque peu hésité. Je me suis demandé si, d'une manière ou d'une autre, mes tentatives maladroites pour aider les utilisateurs pilotes à se déplacer dans la ville ne risquaient pas d'interférer avec leur façon habituelle de faire les choses.
[Sato]
Vraiment ? Nos échanges ont été si fluides que j'ai pensé que vous et les autres employés de Sony aviez l'habitude d'interagir avec des personnes handicapées au travail ou que vous aviez des amis ou des connaissances ayant un handicap. J'imagine que cela est lié à la culture d'entreprise de Sony.
Pour ma part, je n'avais qu'une seule crainte. Je voulais veiller à ce que personne ne se sente intimidé, car certaines personnes ont tendance à appréhender les interactions avec les personnes handicapées. Je voulais surtout que les participants se familiarisent avec le monde des personnes handicapées, et qu'ils y soient exposés.
ー Qu'est-ce qui vous a le plus marqué sur le terrain ?
[Sabu]
J'étais dans l'équipe de Maito, qui se déplace en fauteuil roulant, et tout de suite, j'ai eu l'impression qu'il était très difficile pour elle d'ouvrir la porte du bureau d'une seule main et d'en sortir.
[Sabu]
Elle dépendait des ascenseurs pour monter ou descendre des niveaux dans les gares et autres, mais dans les lieux inconnus, il faut un certain temps pour les trouver.
Et puis il y a aussi la question de l'achat d'un billet. Lorsque l'on est dans une position basse, comme dans un fauteuil roulant, il est difficile de lire les informations sur l'écran du fait des reflets provoqués par les lampes fluorescentes.
[Rin]
Acheter un billet a également semblé être une tâche ardue pour Sato.
[Sato]
C'est vrai. Les gares disposent de tableaux tarifaires en braille et d'autres éléments utiles, mais il faut d'abord savoir où ils se trouvent.
Les instructions des distributeurs de billets sont également fournies en braille, mais lorsqu'on me demande d'appuyer sur un bouton en bas à gauche pour lancer l'audioguidage, je me demande où se situe le coin en bas à gauche. Cela fait longtemps que je n'ai pas acheté de billet et, chaque fois, je mets un certain temps à le faire.
[Rin]
Je partais du principe que cela te dérangerait, mais j'ai remarqué plus tard, quand nous avons créé la carte des émotions, que tu avais dit :
[Sato]
Oui, j'ai eu cette impression en lisant les commentaires des membres de l'équipe qui avaient du mal à croire que cela m'amusait plutôt que de m'agacer.
[Sabu]
À certains moments, j'ai également pris conscience de mes propres stéréotypes. Maito se déplace en fauteuil roulant, et lorsqu'elle fait ses courses, les produits situés en hauteur sont hors de sa portée. Elle m'a cependant expliqué que lorsqu'elle avait le temps, ce n'était pas un problème, car le personnel du magasin était prêt à l'aider si elle le lui demandait. D'ailleurs, c'est une situation qu'elle apprécie, car cela lui donne l'occasion de communiquer avec eux. Je pensais qu'elle percevrait la situation sous un angle différent.
[Sato]
Il est très difficile de comparer les perspectives, mais si nous prenons l'exemple des portes du train, ne prend-on pas un certain plaisir à deviner correctement de quel côté les portes vont s'ouvrir ? C'est ainsi que je vois les choses. Le monde est un endroit où rien n'est certain tant que l'on ne l'a pas vécu.
Encourager une réflexion plus libre et plus spontanée
ー L'atelier s'est terminé sur une réflexion des équipes autour de la conception d'une mobilité pour 2030 dont tout le monde pourra profiter.
[Sabu]
Sur le terrain, Maito a dû rassembler ses forces pour ouvrir les portes depuis son fauteuil roulant. La recherche du plan de la gare a également semblé difficile. Mais sur sa carte des émotions, elle a évalué ces expériences de manière neutre, ni positive ni négative. Ces expériences ne l'ont pas dérangée parce qu'elle y est habituée.
Pour les personnes ayant un handicap physique, le simple fait de se déplacer demande beaucoup d'énergie. C'est ce que mon équipe a défini comme un problème de mobilité. Pour que les personnes handicapées puissent économiser leur énergie, nous avons proposé une interface de mobilité sous la forme d'un smartphone ou de lunettes intelligentes qui guident les personnes en fauteuil roulant vers des rampes d'accès plutôt que vers des escaliers. Un jour, on pourra peut-être même aider les gens avec des tapis volants magiques.
[Rin]
Mon équipe a identifié un problème : les suppositions contradictoires. Ce que les gens considèrent comme allant de soi varie en fait d'une personne à l'autre. Les personnes handicapées peuvent trouver des désagréments dans un monde qui convient aux personnes sans handicap. Nous avons pensé qu'il serait judicieux de commencer par se débarrasser de ces suppositions.
Dans un premier temps, lors de notre brainstorming, j'ai imaginé une sorte de mini-assistant assis sur mes épaules, qui m'indiquerait la meilleure voie à suivre.
Finalement, mon équipe a proposé l'idée d'un « agent sonore ». Celui-ci pourrait être pratique s'il pouvait être associé à des conseils sur une ville sous forme de RA, par exemple, ainsi qu'à un paiement automatique après authentification de l'utilisateur.
[Sato]
Cela m'intéressait aussi. Je voulais entendre des idées aussi extravagantes que des « villes flottantes » plutôt que des « personnes flottantes souffrant d'un handicap ».
[Rin]
C'est vrai que j'ai été certainement prise au dépourvu quand l'instructeur a indiqué que des idées comme la pochette magique de Doraemon étaient acceptables. C'est un peu triste à admettre mais en vieillissant, mes pensées sont de plus en plus rigides.
[Sabu]
Moi aussi. Je me demande souvent si mes idées sont réalisables. C'est sans doute une habitude que j'ai adoptée dans le cadre de mes recherches universitaires.
[Sato]
La mobilité, notre thème du jour, est un défi permanent pour nous. Paradoxalement, ceux d'entre nous qui souffrent d'un handicap ne sont peut-être pas en mesure d'imaginer ce que ce serait que de se déplacer de manière agréable et intéressante, sans aucun stress.
J'ai trouvé très éclairant de cartographier mes émotions, car nous nous sommes tellement habitués aux désagréments. Souvent, je me suis dit : « Maintenant que tu le dis, oui, c'était un désagrément ».
[Sato]
En discutant de la carte des émotions, je me suis rendu compte que j'espérais que les personnes essaient de comprendre les personnes ayant un handicap. Les membres observateurs de l'équipe ont relevé un grand nombre d'éléments que nous avions négligés. Ce serait formidable si cela pouvait inspirer des innovations ou des activités futures. Je serais heureux d'avoir pu contribuer à cette inspiration.
[Sabu]
Pour moi, l'atelier a montré à quel point les utilisateurs pilotes sont conscients des désagréments rencontrés dans les situations quotidiennes et qui passent inaperçus aux yeux d'autres personnes. Je participe également à la réalisation de tests d'utilisation de produits avec la contribution de personnes handicapées, et je ne manquerai donc pas de faire part de mes impressions à mon département afin que nous puissions mettre en pratique ces enseignements.
[Rin]
Moi aussi. Dans le cadre de mon travail de conception UI/UX d'applications pour téléviseurs, je porte une attention particulière à la visibilité du texte et à la facilité de compréhension des informations textuelles, et la manière dont Sato utilise les applications pour smartphones a été très instructive pour moi. Dorénavant, j'essaierai de comprendre comment les gens utilisent réellement ces produits dans mon travail de conception UI/UX.
[Sato]
Merci. Le plus intéressant pour moi dans cet atelier, c'est le moment où les autres membres de l'équipe commencent à considérer les divers désagréments comme des problèmes qui les concernent. Les désagréments ressentis par les personnes handicapées peuvent stimuler l'innovation et la création de nouvelles activités. Quand je pense que nous allons au-delà de la recherche du bien-être basique des gens, cela me réchauffe le cœur.
L'empathie envers les utilisateurs pilotes incommodés m'a fait réaliser que nous sommes tous incommodés par de nombreuses choses que les gens ont en quelque sorte fini par accepter. Plutôt que de considérer ces désagréments comme des besoins particuliers, le simple fait de réfléchir à la manière d'améliorer les choses nous aidera certainement à concevoir des produits plus pratiques pour tous.
La recommandation de penser plus librement pendant notre séance de brainstorming m'a marqué. Je me suis dit qu'en nous libérant des préoccupations liées à la faisabilité et en nous inspirant occasionnellement des pensées de notre hémisphère droit, nous pourrions envisager un avenir nouveau et meilleur.
À de nombreuses reprises au cours de l'atelier, le fait de découvrir comment Sato et Maito perçoivent les choses a remis en question nos stéréotypes. Mais en réalité, nos opinions ont révélé à Sato qu'en tant que personne handicapée, il s'était résigné à de nombreux inconvénients. Il a déclaré souhaiter que nous continuions à aider ces personnes à déconstruire leurs idées préconçues. Quand on combat les stéréotypes des uns et des autres, le monde gagne soudain en richesse. Nous espérons appliquer cette expérience dans nos travaux futurs.
Sony et WS Audiology Denmark A/S (WS Audiology) ont conclu un partenariat pour le développement et la distribution conjoints de produits et de services dans le domaine des aides auditives en vente libre. Retrouvez plus d'informations ici.
Sony a mis au point une nouvelle télécommande1 pour les téléviseurs de 2022 en s'appuyant sur les résultats d'enquêtes menées auprès des utilisateurs et de tests de convivialité. Le dialogue direct avec les utilisateurs a permis aux concepteurs de s'assurer que la télécommande était confortable pour un grand nombre de personnes. Retrouvez plus d'informations ici.
* 1 Non disponible au Japon. Ailleurs, la télécommande est fournie avec les téléviseurs des séries Z9K, A95K et X95K (Europe uniquement).
Texte : Airi Tanabe Photographie : Kiara Iizuka
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